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Une lecture intense et intime : Rome est une femme de Michel Chevallier

Avant de se lancer dans l’écriture de son roman, Rome est une femme, Michel Chevallier a été journaliste. Il a également produit des textes pour des politiciens suisses. Titulaire d’une licence en psychologie, il révèle tout son talent dans son premier livre fictif, paru aux éditions de l’Harmattan.

L’ouvrage Rome est une femme révèle toute l’intimité d’un policier torturé, le jeune Cesare, à qui l’on confie une enquête qui le marquera au fer. Il sera guidé par le commissaire Gaetano, cette affaire représente un tournant dans sa vie. Il doit élucider le meurtre d’une belle fille, qui le mènera aux portes de l’obsession. Une lecture qui n’est donc pas de tout repos et qui se destine à un lectorat qui aime le polar historique, mais aussi la découverte de confessions. Les faits se déroulent à Rome, sous Mussolini.

Au gré de ses maladresses, Cesare est confronté aux opposants et résistants au fameux « GM ». Si la situation stagne au sujet de la résolution de l’enquête concernant la défunte Vantona, le narrateur, lui, ne s’arrête jamais. L’entourage fasciste et profondément nationaliste contraste avec Cesare, qui semble nettement plus indépendant, dégagé de toute cette sphère dans laquelle il est pourtant enlisé. Certains passages relatent des scènes qui ont des airs de témoignages et d’anecdotes vraies. C’est le cas notamment des tableaux qui décrivent les inégalités sociales entre les paysans illettrés et les riches romains.

Parmi ses collègues, les échanges avec son chef comprennent de savoureux dialogues dont cette réplique : « La démocratie c’est le laitier plutôt que la police qui sonne tôt le matin à ta porte. Rien que pour cela, c’est mieux. Mais les fascistes n’ont pas été nourris au petit-lait. » Malgré le contexte historique obscur, l’écrivain a fait le choix d’alterner entre violence et parfois euphorie. On y retrouve les critiques du régime fasciste italien remis en question, mais jamais dans une optique « cliché » et maladroitement bien-pensante. Pour donner du corps au récit, le narrateur parvient à retranscrire fidèlement ce qu’un jeune policier italien vivant sous Mussolini aurait pu dire et penser. C’est une marque de réalisme indéniable, qui embaume toute l’atmosphère de l’enquête-témoignage. Même si notre regard actuel a du mal à se confronter à ces idées, fermer les yeux, c’est permettre au fascisme à revenir. Certes, le texte est une fiction divertissante, il ouvre également la réflexion sur l’intime de nos ancêtres, si nous sommes italiens, de nos compatriotes européens. En ce contexte militaire, il est important de se souvenir des dérives des régimes autoritaires et totalitaires.

Entre scènes où le luxe transpire et visites de lieux délabrés et pauvres, le lecteur peut visualiser parfaitement cette image paradoxale d’une Rome sous tension. En France, l’Histoire du IIIe Reich est davantage représentée dans les librairies que le fascisme italien. Certes, le dictateur Adolf Hitler était à la tête de l’empire nazi. Dans les manuels d’Histoire, c’est lui qui fait office de « tête d’affiche » aux côtés d’un Mussolini qui cherche à faire ses preuves, dans un pays en quête de reconnaissance coloniale.

Ce récit portant sur la vie réaliste d’un jeune policier et ses déboires avec l’État offre une autre perspective, originale et davantage orientée sur l’humain que sur une approche strictement historique. Dans ce tourbillon de beuverie règne un climat où l’État est tantôt adoré, tantôt rejeté.

Petit à petit, une réponse à cette enquête sembler pointer le bout de son nez. Elle prend une forme menaçante pour le duo de policiers : celle qui avait été retrouvée étendue à la manière d’une « dormeuse du Val » était peut-être plus importante qu’il n’y paraissait. Lorsqu’il n’inspecte pas, le narrateur s’adonne à son obsession viriliste : son entrejambe et les plaisirs de la chair qu’il ne connaît pas et dont il fait l’éloge. Même s’il a déjà vécu l’expérience de la caresse d’une femme, Cesare semble très attiré par son amie Liana. Entre une séance au cinéma et une affaire de meurtre qui se poursuit péniblement, le pauvre fait face à l’agression de l’Homme avec un grand « H ». Les scènes d’action s’enchaînent tout naturellement : alors qu’il a frôlé la mort, le personnage interprète cette résurrection comme un signe divin. Une preuve qu’il a été choisi…

Cette étape cruciale pour le développement du personnage ne fait qu’accentuer ses penchants qualifiés d’immoraux, mais de secrets : des mystères partagés avec le lecteur comme seul témoin. Cette proximité avec le lecteur est renforcée par l’usage de la première personne du singulier : ce « je » très introspectif, qui pousse le lecteur à poursuivre cette découverte riche en émotions transgressives. Michel Chevallier dévoile une aventure haute en couleur tout en finesse, tout en abordant des sujets crus et parfois cruels. Une réussite littéraire à dévorer de toute urgence.

Le site de l’auteur : http://michel-chevallier.com/

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